« Le projet de ce livre n’est pas tant d’ériger une somme sur le poil [..] que de réhabiliter l’érotisme du poil en analysant les raisons de son éradication, mais aussi en les critiquant sans craindre d’adopter un point de vue partisan. »
« Je ne suis pas hostile à l’épilation. J’aime l’indécence obscène d’une vulve épilée et tire toujours beaucoup de plaisir des sensations qu’elle procure, notamment dans le cadre du cunnilingus. Visuellement, je trouve certaines chattes épilées aussi agréables à regarder que celles qui sont en jachère. Je suis juste hostile à la norme et à l’uniformité. […] Et si la chatte poilue est une espèce menacée, il ne sera pas dit que je l’aurais laissée s’éteindre sans avoir combattu pour sa préservation. »
C’est en ces termes que, dans son introduction, Stéphane Rose explique ce qui a motivé la rédaction de ce petit essai et l’optique dans laquelle il a été rédigé.
Indépendamment des goûts que le lecteur peut avoir en matière d’épilation du maillot, ce petit ouvrage est intéressant à double titre. D’une part, il nous invite à nous interroger sur les raisons des choix que nous faisons au quotidien en ce qui concerne notre apparence et à nous demander s’il nous sont vraiment dictés par notre libre-arbitre. D’autre part, à travers l’exemple du marché de l’épilation, il décortique certaines stratégies marketing et montre comment les marques et les médias manipulent le consommateur.
Dans un premier temps, l’auteur s’attache à montrer comment les poils sont devenus indésirables. L’impulsion a été donnée par les films pornographiques. L’absence de poils permet au spectateur de voir plus et mieux. La pratique s’est répandue avec la démocratisation de la pornographie, accessible à tout à chacun sur internet. L’épilation intégrale a été d’autant mieux accueillie qu’elle s’accorde bien avec le souci hygiéniste de notre société contemporaine.
Les poils sont, en effet, de nos jours considérés comme sales et vulgaires. Parmi les nombreux exemples sur lesquels il s’appuie, Stéphane Rose cite les annonces relevées sur les sites libertins, dans lesquelles pilosité et surpoids sont bannis de concert. Il en profite pour lancer une petite pique aux libertins qui m’a amusée, leur reprochant leur trop grand conformisme et les jugeant en cela bien éloignés des libre-penseurs dont ils tirent leur nom, ce en quoi je suis bien d’accord. Mais je reviendrai sur le courant de pensée libertin ultérieurement à travers d’autres ouvrages.
En parallèle, Stéphane Rose s’interroge sur l’image renvoyée par une femme épilée. Il se fait là l’écho des arguments des féministes : une femme au sexe épilée est infantilisée et sa féminité est niée.
Dans une deuxième partie, l’auteur, qui est journaliste, s’intéresse au message véhiculé par les médias. Il décortique ainsi le discours de la presse féminine, de la presse people ou des sites à destination des adolescents. Enfin, il analyse les techniques de marketing adoptées par les marques. L’idée est qu’un homme épilé paraîtra plus viril car l’absence de poil mettra en valeur ses attributs. Quant aux femmes, et jeunes filles, elles n’ont d’autre choix que de s’épiler si elles ne veulent pas voir tous leurs partenaires potentiels s’évanouir d’horreur avant de partir en courant. La publicité diffusée par Veet il y a quelques mois et qui a, heureusement, été supprimée, au bout d’à peine 48 heures, en raison de l’émoi qu’elle a suscitée, en est une parfaite illustration. Pour ceux qui seraient passés au travers de l’affaire, les faits sont à peu près résumés dans cet article .
Les marques jouent non seulement sur le désir (la nécessité) de plaire, mais tentent également de présenter l’épilation de façon positive, en se positionnant sur le créneau du bien être (s’épiler c’est prendre soin de soi, se chouchouter!) ou en jouant sur le côté ludique. J’avais déjà vu des pochoirs pour réaliser des épilations de formes plus originales que le classique ticket de métro, mais, en lisant ce petit pamphlet, j’ai appris avec stupeur et consternation qu’il existe des teintures pour toison pubienne et des petits brillants à coller sur la peau après l’épilation. J’avoue aller baver régulièrement devant les strings Lola Luna et les bijoux de Sylvie Monthulé, mais là j’ai l’impression qu’on cherche à nous transformer en sapins de Noël.
L’essai se clôt sur un dernier chapitre dans lequel l’auteur réfute les arguments les plus courants des ennemis du poil. Je regrette qu’il n’ait pas davantage développé le passage consacré à l’hygiène. En effet, contrairement aux idées reçues, un sexe imberbe n’est pas plus hygiénique. Outre le fait que l’épilation peut provoquer des irritations et des poils incarnés (exfolier et hydrater, recommande mon esthéticienne!), les poils ont des fonctions de protection contre les frottements susceptibles d’irriter cette zone sensible, et contre les microbes. Un sexe épilé est donc un terrain plus favorable pour les cystites et mycoses, par exemple. Stéphane Rose rappelle également que les poils sont des capteurs sensoriels, ce qui peut s’avérer intéressant.
Comme d’habitude, j’aurais aimé que l’essai soit plus épais et que l’auteur pousse plus loin ses analyses, car j’ai été très intéressée par ce petit livre. Il est à la fois plaisant à lire, instructif et bien argumenté et je ne saurais trop vous le recommander!
Ce livre constitue notre troisième participation au challenge Read me, I’m fashion d’Irrégulière.
Ma foi, ce livre a l’air très amusant !!!
Et tout ouvrage qui va à contre-courant de l’uniformisation des standards de beauté aura ma pleine approbation…. Nous avons tous et toutes le choix de succomber ou non à ces diktats et/ou de les personnaliser à notre manière. Je reste convaincue que la diversité est notre richesse.
L’épilation intégrale existe depuis très longtemps nombre d’oeuvres et textes antiques nous le montre, mais il est vrai que ces derniers temps nous en entendons beaucoup parlé.
Concernant les différentes « coupes », j’ai en mémoire une publicité très amusante que j’avais vu dans la presse écrite. La réclame montrait trois femmes dans un jardin entrain de tondre soigneusement une pelouse et derrière chacune d’elle un arbre soigneusement taillé l’un en coeur, l’autre en rectangle et le dernier en triangle… Il n’y avait pas d’arbre nu d’ailleurs, ni d’arbre coloré d’ailleurs….
L’épilation une manière de ce chouchouter ??? Il en est qui sont bien plus agréable…..
Oui, il est amusant.
Moi aussi, j’aime bien ce qui va à contre-courant de l’uniformisation, c’est pour ça que j’ai eu envie de chroniquer ce livre. :-)
Ce que j’aime bien dans ce livre, c’est qu’il incite le lecteur à plus écouter son sens critique et, en allant plus loin, je dirais qu’il peut inviter à s’interroger sur son comportement de consommateur.
Effectivement, l’épilation n’est pas franchement un truc que j’associerais spontanément avec les concepts de détente et de bien-être!
J’ai toujours trouvé étrange cette façon de généraliser, dans un sens comme dans l’autre…
Je m’épile, depuis longtemps, et je peux certifier que je n’ai nullement été influencée par le porno (à l’époque où j’ai commencé, je n’en avais jamais regardé) ou par la presse féminine ! Ni par un homme, d’ailleurs… ;)
Je m’épile, que je sois en couple, ou célibataire. Et en effet, ça fait partie pour moi du moment où je prends soin de moi. Je m’aime mieux, après. Il n’est pas question de bien-être dans l’instant, non, mais de s’occuper de soi…
Pour avoir essayé « avec » et « sans », je sais maintenant que je préfère les sensations sur le plan sexuel, quand je suis épilée. Pour avoir essayé « avec » et « sans » ;) je sais que « sans », c’est plus propre dans le sens où les odeurs, les fluides, ne restent pas accrochés de la même manière. Je peux concevoir, que ça frotte moins, que ça évite mycoses ou cystites… malheureusement une fois encore, je vais à contre courant, j’avais des mycoses à répétition quand je ne m’épilais pas ! :p A n’y rien comprendre…
Quant à l’argument « ça fait petite fille », je n’y crois pas. ça fait femme, c’est féminin, parce que c’est un choix, personnel, ET assumé, totalement (là encore, pas de soumission face aux demandes masculines)…
Comme quoi, il faut de tout pour faire un monde…
Parce que je suis totalement contre l’argument envers les jeunes filles « si tu ne le fais pas, ton copain va partir en courant ». C’est juste honteux. Ça doit rester un choix intime et personnel.
(En sauna libertin, je n’ai pas été choquée par les poils, non, par contre, dérangée par ces pubis pas fraichement rasés, et qui PIQUENT ! C’est franchement pas agréable… pour moi, soit on laisse, soit on épile proprement !) ;)
Je m’épile aussi que je sois en couple ou célibataire. Moi aussi, je le fais pour moi et je varie l’amplitude de la coupe selon mon humeur. Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients. S’il n’est pas agréable de manger des poils, d’un point de vue esthétique et au toucher je préfère les hommes qui ne sont pas épilés et j’avoue être assez attachée aux miens, j’aime bien en garder au moins un minimum.
Pour ce qui est des mycoses, j’en ai eu à répétition il y a des années, quand j’allais très régulièrement en piscine, et depuis je suis tranquille. Même quand j’ai repris la natation pendant ma grossesse, je n’ai rien eu de désagréable à déplorer!
Je suis bien d’accord sur le fait qu’il faut de tout pour faire un monde. Mais je constate comme l’auteur qu’il y a de nos jours un effet mode important et une certaine pression en faveur de l’épilation et je ne pense pas que le choix soit toujours assumé. Les poils n’ont tout de même pas trop bonne presse de nos jours et les hommes insistent souvent pour que leur partenaire s’épile.
[…] J’avais envie de commencer par citer ce long paragraphe un tantinet provocateur parce qu’il résume bien l’esprit dans lequel a été pensé cet essai et parce que, si je ne partage pas totalement ce qu’elle dit car ses propos me semblent manquer un peu de nuances, je trouve qu’elle incite le lecteur à une réflexion sur lui-même à la fois utile et intéressante, un peu comme le fait Stéphane Rose dans Défense du poil. […]