Bon. Il serait temps de ramener un peu de vie sur ce blog que j’ai honteusement délaissé ces dernières semaines. Ayant, à travers le livre de Jean-Jacques Pauvert, rapporté le récit de la publication d’Histoire d’O dans mon dernier billet, il m’a semblé judicieux d’enchaîner avec cette bande dessinée qui croupissait dans ma PAL depuis déjà quelques mois. J’avoue humblement que, d’une part, le livre de Pauline Réage m’est tombé des mains et que, d’autre part, ma seule expérience de Crepax se limitait à une BD en ligne à laquelle je n’avais pas compris grand chose. De ce fait, si je tenais à lire la BD pour ne pas mourir idiote, je ne peux pas dire que la motivation m’étouffait et, si j’avais initialement prévu de la lire juste après la publication de mon dernier billet, j’ai fait passer pas mal de livres et de mangas avant elle.
Une fois n’est pas coutume, je vais commencer par aborder le fond. Bien que l’album se compose d’une multitude de chapitres, on peut dire qu’il se subdivise en deux parties principales. La première, qui correspond au souvenir que j’avais du roman, démarre à l’arrivée de O au château de Roissy où, pour plaire à son amant, René, elle consent à être fouettée et abusée par de nombreux hommes. A sa sortie de Roissy, René la partage avec un parent, sir Stephen. En parallèle, elle éprouve une attirance pour une femme que René et sir Stephen lui demandent de pervertir.
La seconde partie, qui ne correspond à rien dont je me rappelle (il faut dire que mon souvenir du roman est assez flou) semble se dérouler plus tard. O y est cette fois en position dominante et manoeuvre pour semer la zizanie dans une famille. Cette partie m’a semblé très inférieure à la première, notamment parce que la narration y est très confuse.
Pour ce qui est de la première partie, si j’y suis encore restée étrangère, cette adaptation m’a toutefois beaucoup mieux plu que le roman, sans doute parce que j’ai été absorbée dans une admiration pour le dessin. Je l’ai trouvée néanmoins très froide. O est d’une dignité glaciale et René et sir Stephen sont impénétrables, si bien que les quelques paroles de tendresse et les sentiments exposés dans les dialogues me donnent l’impression de n’être que de surface, et que les motivations des personnages me semblent encore plus incompréhensibles.
Les dessins, en revanche, m’ont éblouie. J’ai admiré leur finesse, leur précision et le luxe de détails. J’ai été frappée par les détails architecturaux, le mobilier. La bande dessinée a une tonalité très Art nouveau avec, par moments, des touches de styles plus modernes. J’ai beaucoup aimé la composition, la taille et la répartition des cases variant d’une page à l’autre au gré des besoins du récit, les juxtapositions de scènes ou les découpages en petites touches, focalisés sur des parties du corps, ou des expressions du visage. Ces procédés, qui contribuent à rendre les scènes vivantes et leur ambiance tangible, sont, je crois, responsables du fait que je me suis sentie moins indifférente au récit que je ne m’y attendais, et que j’ai même été touchée à quelques moments.
Au final, je ressors de cette lecture toujours relativement fâchée avec Histoire d’O, mais avec l’envie de découvrir l’oeuvre de Crepax, ce qui n’est déjà pas si mal!
Histoire d’O
Guido Crepax
Editions Delcourt
Collection Erotix
Se fait violer pour plaire à son amant, quelle misère, l’amour est bien loin.
L’éducation violente donne ses fruits à ses bourreaux. Même avec de beaux dessins, je ne suis pas tenté ;-)
Comme je le rapportais dans mon précédent billet, Dominique Aury n’a fait que coucher sur le papier des fantasmes, et les fantasmes ne pas forcément politiquement corrects. Dominique Aury a déclaré que personne ne pourrait supporter ce qu’elle fait vivre à O. Au-delà de l’amour, il s’agit ici de dépassement de soi et O se sent gagner en force et en dignité à mesure qu’elle s’avilit. Même si cette approche me paraît assez incompréhensible et si j’ai du mal à concevoir qu’on puisse considérer les rapports D/s autrement que comme un jeu, je trouve intéressant d’essayer d’appréhender des points de vue différents.
J’avoue être dépassé. Par contre, je suis tout à fait contre la censure, comme pour Sade, tout a le droit d’être dit et écrit ;-)
La sexualité hérite du conditionnement éducatif si on ne soigne pas. Si on reçoit une éducation violente on aura une sexualité violente. Je me souviens d’une copine keuponne qui fouettait des PDG en Suisse, les pauvres gars n’arrivaient à jouir que frappés jusqu’au sang, sinon rien. Des gens très bien élevés, à la dure avec des grands principe, et probablement frappés pour éliminer la part mauvaise qui serait dans la nature humaine.
Le genre qui te met Seveso ou Fukushima pour un bon point.
Evidemment, de tels cas existent mais je pense que la pratique du BDSM, à des degrés très divers, ou même la simple attirance, dépasse très largement le cadre des PDG suisses. La réduire à la conséquence d’une éducation violente me semble caricatural et erroné.
C’est une annecdote, pas une théorie ;-) Et je ne vois pas en quoi cela réduirait mon propos.
Si la violence dans le sexe ne vient pas de l’éducation violente que les humains infligent à leurs petits, alors d’où vient-elle ?
Si elle était naturelle – l’homme étant un animal – alors les animaux seraient dans le même état.
Les petits chios ou chatons ne hurlent pas à la naissance, ils ne sont pas frappés, et je n’ai jamais vu un mâle frapper sa femelle même si certains animauix sont un peu DSK.
N’est-ce pas la preuve que la violence sexuelle est éducative ?
D’une part, Histoire d’O est une fiction, pas un témoignage. Comme je l’ai rappelé plus haut, l’auteur elle-même l’a jugé irréalisable. Ce sont des fantasmes qu’elle a couchés sur le papier par défi pour son amant qui l’en croyait incapable.
D’autre part, comme dans toute pratique, il y a des cas extrêmes, mais le S/M, dans sa diversité, ne se résume pas à une violence gratuite qui relève de la psychiatrie. Je vous invite à visiter des sites et forums sur ce sujet. Vous y trouverez des témoignages de gens qui s’interrogent sur eux-mêmes et leur sexualité. Même si je conçois mal qu’on puisse en faire une sorte de philosophie de vie, vous verrez que c’est bien plus riche et bien plus complexe que vous ne semblez le penser.
Tu verras Marie, si tu continues dans ta découverte de Guido Crépax, il est un peu comme Manara, beaucoup de sensualité mais, jamais de vulgarité dans ses dessins. Les histoires de Valentina sont superbement bien dessinées même si parfois on ne comprend pas bien l’histoire. Emmanuelle est très bien retranscrit en BD même si parfois Crépax essayes de nous égarer avec ses dessins d’animaux, ceux qui ont vu le film s’y retrouveront toujours.
Crépax, Manara et Frollo sont mes 3 auteurs érotiques préférés; puis vient ensuite Pichard, Levis et Robert Hugues ( Mancini, Trebor et Colbert ).
C’est bien pour ça que j’y allais un peu à reculons : quand je ne comprends pas l’histoire, ça me pose problème et quand j’ai un problème avec l’histoire, je bloque! J’ai envie de continuer Crepax mais je ne sais pas trop encore avec lequel, je vais voir.
Lévis, ça fait longtemps que j’ai envie de l’essayer, j’en ai un en stock. Frollo ne m’inspire pas plus que ça. En revanche, j’ai un ami qui m’a parlé de Pichard, et je crois que ChocolatCannelle en a chroniqué aussi il y a longtemps? Je pense que je l’essaierai à l’occasion dans le futur.
(Tellement de trucs à lire et si peu de temps! :-) )
[…] 19 août – Histoire d’O : A la suite de ma lecture de La traversée du livre, j’ai consacré un billet au récit de […]
Tu as répondu là à ma question posée sur le billet précédent. d:-)
Je ne m’attendais pas à ce que tu sois frappé par des détails architecturaux ! d:-)
Je crois que Crepax a fait des études d’architecture.
Avec des dessins d’une telle qualité, il m’a semblé que ce serait dommage de ne pas prendre le temps de s’arrêter aux détails sur les nombreux détails. Et, curieusement, ça m’a permis de mieux apprécier l’histoire que quand j’en avais feuilleté quelques chapitres il y a quelques mois.
J’ai souvenir d’une bd de Crepax violemment érotique, qui était dans un magazine de bd érotiques, donc, que j’avais déniché dans la bibliothèque « secrète » de mon père. Je n’ai jamais su si elle était issue d’un ouvrage de Crepax (en tout cas, jamais mis la main dessus) ou si elle avait été dessinée spécialement pour ce magazine. C’était autour d’une sorte de Casanova, bi, je crois, avec aussi une très jolie scène de trio HFF (à moins que ça ne soit HHF, ma mémoire pourrait me jouer des tours)… bref… j’aime beaucoup Crepax (et tu sais déjà ce que je pense d’Histoire d’O).
Bon, bah si je poursuis ma découverte de Crepax, on verra si je tombe sur quelque chose qui ressemble à ce que tu décris.
La seule biblliothèque secrète, chez mes parents, c’était celle que je m’étais constituée, et qui ne comportait que quelques essais et romans. J’ai toute une culture à faire pour les BDs et je m’instruis peu à peu!
bonjour
histoire d’o n°2(perversion de la famille ) est un aimable navet qui n’a rien a voir avec le roman original
pour apprecier crepax , je vous recommande son interpretation de justine:
par dela l’iconographie erotique ainsi que le premier niveau de lecture, c’est une tres profonde reflexion sur le bien et le mal, presque un ouvrage de philosophie
a ne rater sous aucun pretexte
Mon « conseiller » en matière de BD, qui est un fan de Crepax, m’avait prévenue que cette histoire de perversion de la famille était à part et pas terrible. Apparemment elle n’était pas dans certaines éditions antérieures? J’avoue que je n’ai pas ttrop vu l’intérêt de ce qui est effectivement un navet.
voir aussi cet eclairage du roman initial(celui de reage, donc):
http://profondeurdechamps.org/2012/06/25/lesthetique-religieuse-du-sadomasochisme-histoire-do-de-pauline-reage/
Merci de me donner l’occasion de découvrir ce site qui a l’air très intéressant. Le dernier article sur Saint-Simon, dont j’apprécie la plume, m’a beaucoup plu.
Quant à l’article sur Histoire d’O, bien qu’il pouse l’analyse beaucoup plus loin que je n’aurais pu le faire et qu’il évoque des choses que je n’avais pas vues dans le roman, j’y ai retrouvé ce que j’avais ressenti en le lisant et ce qui fait que j’en suis restée en dehors, n’arrivant pas à comprendre.
je reviens sur le « justine »de crepax, il allie a l’esthetique indeniable du dessin de crepax, la profondeur de reflexion de l’intellectuel , important ecrivain et moraliste (ainsi que vous le decrivez justement dans un autre de vos billets) sade
donc si on passe outre le premier reflexe(que je comprends tres bien ) de repulsion, cet album est beaucoup plus « profond « qu’on peut le penser a priori
Pour ce qui est du premier réflexe de répulsion, j’ai lu une partie de Juliette, je ne pense pas que ce soit « pire ». :-)
En revanche, je n’ai pas lu Justine. L’adaptation de Crepax peut être un bon moyen de découvrir l’oeuvre. Je l’ajoute à ma liste!
bonjour
je voulais simplement dire que des personnes aux convictions bien ancrées et rigides, qui analysent tout a travers leur grille definitive et bien pensante du monde
et donc sont pretes a juger tout tres vite et superficiellement, peuvent bien sûrs s’arreter aux apparences et pousser des cris d’orfraie devant « justine » (qui plus est illustrée par crepax)
au hasard,un certain nombre de bigots, voire de feministes sur- defensives….?????
attention je ne suis pas contre le feminisme, bien sûr,!!!!!
mais contre l’application precipitée d’une grille de lecture au premier niveau sur ce roman par exemple (ou sur tout autre objet/phenomène)
un detail:le lire dans une grande edition(pas dans une edit de poche, si elle existe)
J’avais plutôt en tête en vous répondant les actes de cruauté que Sade se complait à décrire et avec lesquels j’ai du mal, ce qui est d’ailleurs une des raisons qui m’ont fait abandonner Juliette avant la fin. L’autre raison étant que je suis fâchée avec la philosophie depuis mes premiers contacts assez pénibles avec cette matière au cours de mes années de lycée, ce qui fait que j’avais du mal à le suivre. C’est sûr que ses écrits sont bien éloignés des préceptes de la morale chrétienne, mais, pour ma part, je le perçois comme relativement « féministe » pour son époque.
tout a fait, d’ailleurs « justine » est en premiere analyse un livre plein de sevices et de cruauté et de mauvais traitements , ceci dit on peut sauter plus en profondeur et voir aussi un questionnement sur le bien et le mal, l’existence d’un dieu, etc…..
il y a souvent plusieurs niveaux de perception a une « vraie « oeuvre artistique
pour qui sait et « veut » voir , bien entendu.
quand a la philosophie je parlais non de la matiere academique, souvent roborative, mais bien des questions essentielles que chacun se pose et essaye de solutionner a sa maniere:existence de dieu, bien et mal, libre arbitre, egalité mort etc…..
je n’ai jamais non plus accroché a la philosophie non plus, perso je serais plus proche, si je devais un jour rechercher l »‘amour de la sagesse » de quelque chose comme l’advaita vedanta qui n’est pas exactement une philosophie
mais bon chacun son truc……
cordialement
Je ne connais l’advaita vedanta que de nom. Un jour il faudra que je me renseigne un peu sur ces questions pour ne pas mourir idiote…