Il y a énormément à dire sur le rôle que jouent le pied et la chaussure dans l’érotisme. Le pied, symbole phallique, est propice à prodiguer et recevoir les caresses, est sollicité au moment de l’orgasme durant lequel il se contracte et s’attire les attentions de nombreux adorateurs. Les chaussures et bottes, qui l’habillent, peuvent conférer à la personne qui les portent une démarche propice à déclencher les fantasmes, ou être objets de fantasmes en elles-mêmes. C’est de tout cela que William Rossi traite, et bien plus encore. Cependant, j’ai été déçue par la lecture de cet essai, pour de nombreuses raisons.
Déjà, la traduction ne me paraît pas formidable, et j’ai regretté de ne pas l’avoir plutôt lu en anglais. J’ai particulièrement apprécié le « chauvinisme mâle » et « Fulk Rechin d’Anjou », que, au passage, je connaissais plus comme un habile politicien que comme un « dandy et un débauché notoire » et dont j’aurais plus volontiers expliqué le surnom supposé de « cornu » par le fait que le roi de France Philippe Ier lui avait pris sa femme, Bertrade de Montfort, qu’en raison de la forme de ses chaussures. Mais bon, ce n’est pas le sujet…
Je n’ai pas pu trouver de notice biographique relative à William Rossi, mais il me semble être plutôt un spécialiste des chaussures. Il s’engage cependant dans des théories psychologiques, sociologiques et anthropologiques, citant nombre de personnes, mais sans forcément indiquer quelle est leur discipline, et sans jamais citer précisément ses sources ni sur quels ouvrages il s’appuie. L’ouvrage ne comporte ni notes, ni bibliographie. Par ailleurs, à côté de ces disciplines très sérieuses, il parle parfois de radiesthésie ou de voyance. Il cite également nombre d’anecdotes, et se base même souvent sur elles pour étayer ses propos. Or, il m’a semblé plus intéressé par le côté pittoresque de ces anecdotes que par leur véracité, comme l’exemple de Foulques Rechin que j’ai relevé plus haut le montre. Pour toutes ces raisons, tout au long de ma lecture, je n’ai pas su sur quel pied danser car, si certaines informations qu’il donne sont intéressantes, je n’avais aucun élément me permettant de juger de leur véracité. Si bien que je ne sais pas ce que je peux retenir de ce livre et ce que je peux croire dans ses propos.
Sur le contenu en lui-même, il aborde nombre de thèmes intéressants. J’aurais bien aimé qu’il développe un peu plus les différents styles de chaussures et leur histoire, puisque ça semble être sa partie, et qu’il fournisse plus de croquis pour se faire une meilleure idée. J’ai néanmoins regretté qu’il se répète régulièrement, et j’ai eu le sentiment à plusieurs reprises qu’il se contredisait, comme sur le sujet de la pudeur, parfois simple prétexte pour montrer ce qu’on prétend cacher et parfois réelle, ou sur l’apologie qu’il fait du pied nu et des effets bénéfiques sur la sexualité du contact de toute la surface du pied avec le sol que j’ai du mal à faire coller avec le panégyrique qu’il fait des pieds déformés et atrophiés.
J’ai déjà énuméré pas mal de points négatifs, mais je n’ai pas encore abordé celui qui m’a le plus gênée. Je n’ai pas du tout aimé l’esprit du livre et je l’ai trouvé affreusement sexiste. En résumant grossièrement, le pied et la chaussure sont des éléments essentiels de la séduction que les femmes exercent sur les hommes (un homme peut aussi exprimer sa sensualité au travers de ses chaussures mais le corps de l’homme, du fait de son absence de formes, n’a pas grand-chose de susceptible de déclencher une attirance érotique, donc la question est réglée !). Les femmes se doivent donc d’être aussi séduisantes que possible pour plaire aux hommes, c’est quasiment leur raison d’être. Peu importe si elles souffrent pour ce faire. Visiblement, les femmes acceptent volontiers cette souffrance, ce qui est bien normal car il est bien connu qu’elles sont masochistes et ne placent rien au-dessus de l’attraction sexuelle qu’elles exercent. Je vous assure, je suis un peu ironique mais je ne caricature même pas ! La preuve :
« Nous portons des chaussures surtout dans un but d’attraction sexuelle, conscient ou inconscient. Et nous choisissons des styles particuliers adaptés aux messages sexuels que nous voulons exprimer. »
« Les femmes ont toujours su ce qu’elles faisaient en se déformant les pieds et de leur point de vue ce que les médecins appellent maux ou défauts du pied sont des blessures de plaisir ou des cicatrices sexuelles.
Cela ne veut pas dire qu’elles cherchent délibérément les blessures et les cors au pied, mais simplement qu’elles se résignent à supporter gêne ou douleur plutôt que de porter des chaussures confortables mais sans sexe. »« La vanité, l’ignorance, la négligence et la stupidité ne sont aucunement responsables du traitement que nous infligeons à nos pieds. Les fabricants non plus. L’érotisme inné du pied en est seul la cause. La chaussure, revêtement du pied, a toujours joué le rôle d’une baguette de magicien pour transmettre les illusions érotiques du pied.
Il ne faut pas pleurer sur nos pieds déformés. Dans les sociétés civilisées modernes le pied n’accomplit plus les tâches qu’on exigeait de lui dans les sociétés primitives. Aujourd’hui, nous faisons du pied un emploi décoratif ; nous l’embellissons et nous le sexualisons. Etant libéré des travaux pénibles, il doit être sensuel et remplir son rôle érotique naturel ; soigné et dorloté comme une maîtresse dont le seul désir est de plaire au regard de son amant. »
Dans cette optique, et puisque 80% des chaussures sont achetées dans un but sexuel conscient ou inconscient, ceux qui ne portent pas de chaussures sexy et recherchent le confortable (pour les femmes, ces chaussures confortables sont appelées « sans sexe » et pour les hommes « eunuques » – il n’y va décidément pas de main morte avec les hommes) sont ceux qui ont fait une croix sur leur libido.
Le livre ayant été écrit il y a 35 ans, je me demande ce qu’il penserait de l’usage si répandu de nos jours des baskets. Je me suis par ailleurs amusée à regarder les pieds des femmes lors de mes pérégrinations aujourd’hui, et je pense que William Rossi pourrait être assez inquiet au sujet de la sexualité des françaises. Je me demande par ailleurs ce que pourrait éprouver un homme qui, attiré par un pied joliment chaussé, découvrirait, une fois le pied sorti de son écrin qu’il est déformé ou présente des cors ?
Loin de moi l’idée de nier tout l’attrait sexuel que peut exercer un pied joliment chaussé. Il est tout aussi évident que nombre de chaussures sont achetées pour leurs qualités esthétiques et non pour leur confort. Mais j’ai eu l’impression en lisant William Rossi d’être tombée sur un fanatique, une sorte d’intégriste. J’ai par exemple eu énormément de mal avec la façon dont il fait l’apologie des pieds bandés des chinoises et de leurs incomparables qualités érotiques, niant au passage toutes les souffrances et tous les maux que ces pieds atrophiés engendraient. Et puis pourquoi une femme aurait-elle besoin de marcher, après tout ?
Ce livre était notre deuxième contribution au challenge Read me, I’m fashion d’Irrégulière.
Alors, comme je te l’ai dit, ma lecture remonte à une dizaine d’années, lorsque je faisais ma maîtrise sur la parure féminine, donc mes souvenirs sont flous et je crois que finalement il ne m’avait pas été utile pour mes recherches. Mais bon, d’après ce que tu en dis, ce n’est pas très lumineux, comme propos, même s’il y a des choses vraies !
Oui, il y a des choses vraies et intéressantes dans ce qu’il dit mais, comme je l’ai dis, je ne savais pas comment faire le tri dans ce qu’il disait et je ne sais donc pas quoi en retenir. Si tu as d’autres suggestions de lecture sur le même thème, je suis preneuse!
Je ne connaissais pas du tout ce livre, mais il a l’air très sympa !
N’hésite pas à aller faire un petit tour sur notre blog d’histoires érotiques (toutes vécues !)
http://quiches-erotiques.blogspot.com
Hortense
Hummm ! plein de contractions en effet. Je me suis toujours interrogée sur le côté érotique du pied que je ne comprends pas vraiment….
Je me demande bien ce que le Monsieur penserait de mes chaussures aux talons aux architectures les plus étranges les unes que les autres : que dois-je penser ? suis-je complètement déviée, irrécupérable ?
Le livre a l’air franchement daté….
Il penserait sans nul doute que ta vie intime gagnerait énormément à ce que tu adoptes les talons aiguilles ou, à la rigueur, que tu te déplaces pieds nus. :-P
Ce livre a eu ceci de positif que, quand j’ai lu Ecstasy, j’ai été beaucoup plus sensibilisée à toutes les occurences dans le roman où Murakami évoque les pieds, et notamment pour parler de ces fameuses contractions!