Le titre de ce petit essai d’une centaine de pages est un peu trompeur, car seul son postlude (je ne connaissais pas le mot, mais je le trouve très joli) constitue un véritable éloge de la masturbation. Le corps de l’ouvrage peut se découper en deux parties, une historique et une littéraire.
Dans la première partie, l’auteur s’attache à expliquer pourquoi la masturbation a été si vivement condamnée au 19e siècle. Selon lui, le coupable serait Samuel Tissot, un médecin suisse devenu célèbre pour avoir publié des ouvrages de vulgarisation, donnant des conseils de santé au peuple, et qui est également l’auteur de Testamen de morbis ex manustupratione (Essai sur les maladies produites par la masturbation), publié en 1758, qui devint un best-seller réédité à de nombreuses reprises. Selon l’auteur, le terrain aurait été préparé par la découverte en 1677 des spermatozoïdes. Philippe Brénot narre de façon passionnante les réactions provoquées par l’observation au microscope de ces petits « têtards ». Certains ont voulu y voir des hommes minuscules. De là à voir un crime dans le fait de répandre la semence dans un but autre que la reproduction, il n’y avait qu’un pas à franchir! L’auteur évoque ces maladies dont on disait que les hommes et femmes qui s’adonnaient à la masturbation risquaient d’être atteints et explique comment, d’une réprobation médicale, on est passé à une condamnation morale.
Cette partie est intéressante, racontée de façon très vivante, et j’ai appris des choses en la lisant. Il y a toutefois un point qui m’a un peu gênée : il prend violemment position contre les auteurs qu’il évoque, écartant d’un revers de main leurs allégations sur la simple affirmation qu’elles sont ridicules. Je pense que son propos aurait gagné en force et en crédibilité à être plus factuel. Bien que je partage en tout son opinion, je me suis interrogée, de ce fait, sur l’objectivité et la rigueur avec lesquelles il a mené ses recherches, et je trouve ça un peu dommage. Il faut dire que je n’ai pas pu m’empêcher de faire une comparaison avec L’harmonie des plaisirs d’Alain Corbin, que je suis également en train de lire et qui, s’il est moins facile d’accès, est d’une rigueur historique irréprochable (Bah oui, je suis toujours dessus! Comme je prends beaucoup de notes, je n’avance pas vite. Ca ne va pas être simple de synthétiser tout ça après…).
Dans la deuxième partie, Philippe Brénot montre que, en dépit des condamnations médicales et morales qui ont eu cours à certaines époques, la masturbation a toujours été présentée sous un jour favorable dans la littérature. Continuant à jouer les esprits chagrins, je ne peux pas m’empêcher de me demander si l’on ne pourrait pas trouver des contre-exemples. Malheureusement ma mémoire de poisson rouge me laisse dans le brouillard… Néanmoins, j’ai apprécié qu’il illustre son propos de nombreux extraits, dont certains d’auteurs que je ne connaissais pas. Là encore, j’ai été très intéressée.
Même s’il faut toujours que je joue les casse-pieds, j’ai trouvé la lecture de ce petit essai plaisante et instructive et je le recommande chaudement!
Philippe Brénot est psychiatre, il enseigne la sexologie à Paris Descartes et il est l’auteur de pas mal d’ouvrages sur la sexualité, parmi lesquels j’en ai repéré quelques-uns qui me tentent bien.
Eloge de la masturbation
Philippe Brénot
Zulma
[…] régulièrement se souviendront peut-être que, dans mon billet posté il y a quelques jours sur L’éloge de la masturbation de Philippe Brénot, j’avais été, une fois de plus, assez casse-pieds, lui reprochant […]
Merci pour cette présentation!
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