Les filles perdues reste à ce jour la seule bande-dessinée érotique que j’ai lue à ce jour. Pour « ma première fois », je souhaitais avoir à faire à un expert en qui j’avais toute confiance. Alan Moore, scénariste reconnu du neuvième art, me semblait tout indiqué.
L’éditeur français Delcourt a choisi de réunir les trois volumes originaux de 10 chapitres chacun en un seul et même recueil de toute beauté. Le papier est épais est odorant, la reliure brochée est de qualité. Cet ouvrage a eu toutes les difficultés à être publié en France en raison de son caractère choquant.
Cette fois-ci, Alan Moore n’a pas choisi de réunir des super héros mais les trois plus célèbres héroïnes de la littérature enfantine anglo-saxonne devenues adultes :
– Lady Alice Fairchild, femme mûre énigmatique et entreprenante (Les aventures d’Alice au pays des merveilles, De l’autre côté du miroir de Lewis Carol) est une riche héritière rejetée par sa famille suite à des scandales.
– Mrs Wendy Potter (Peter Pan de Sir James Matthew Barry), est une femme timorée à la personnalité morne et éteinte, elle est mariée à un homme de 25 ans son aîné.
– Miss Dorothy (Dottie) Gale (Le magicien d’Oz de Lyman Frank Baum), jeune fille irréfléchie très ouverte est toujours prête à vivre de nouvelles aventures.
Les trois héroïnes se rencontrent en Autriche à l’hôtel Himmelgarten. Elles vont rapidement sympathiser et se confier. Leurs confidences relatent de leurs expériences sexuelles désirées ou non de leur adolescence. Ces épisodes font référence aux oeuvres romanesques enfantines originales. Leurs aveux se font de plus en plus dérangeants. Parallèlement à ces conversations, elles vont devenir amantes et connaître des expériences sexuelles avec le personnel de l’hôtel. Dans cette histoire s’insèrent des pages d’un recueil érotique laissé par le tenancier de l’hôtel dans chaque chambre.
Le scenario de cette bande-dessinée est riche en dépit de sa construction répétitive. Les dialogues très simplistes manquent cruellement cependant de subtilité. Les situations érotiques y sont variées et parfois inventives. Chacun des opus initiaux constituent une phase dans l’histoire. Le récit est ancré historiquement (veille et début du conflit 1914-1918) dans son époque. Artistiquement, les références aux auteurs controversés et à de grands artistes notamment via le recueil distribué dans l’hôtel sont des plus intéressantes. Jugez plutôt : Oscar Wilde, Pierre Louÿs, D.A.F. Sade, Colette, Egon Schiele, Alfons Mucha, Gustav Klimt…
Les illustrations sont très belles. Melinda Gebbie que j’ai découverte dans cet ouvrage a fait un travail magnifique : reconstitution de l’art nouveau, du balai de Nijinski, pastiches des différents peintres et illustrateurs précédemment cités. Les couleurs sont lumineuses, les techniques utilisées variées. Les coups de crayon encore visibles donnent du relief. Les illustrations pleines pages sont détaillées et magistralement réalisées.
L’illustratrice à attribué à chacune des héroïnes une mise en page spécifique :
– Des cases ovales, telles des miroirs pour Alice perdue dans les méandres de son passé et de son esprit.
– Des cases rectangulaires étirées horizontalement, telles les représentations d’odalisques pour Dottie nonchalante jeune fille, esclave de ses propres désirs.
– Des cases rectangulaires verticales, érigées comme un phallus en érection surmontée d’un théâtre d’ombre pour Wendy qui semble si droite et inébranlable mais ce n’est que faux semblant.
Les scènes érotiques et pornographiques sont nombreuses et variées, certaines vous mettront en émoi d’autres vous choqueront peut-être. J’ai trouvé malheureusement que la pédophilie, l’inceste et le viol étaient montrées avec un peu trop de légèreté pour moi ce qui tendrait à banaliser ces déviations. Certes, les protagonistes semblent éprouver un certain malaise voire des remords mais pour moi cela n’est pas suffisant. Les héroïnes transposent ces situations dans un univers très onirique mais ces rêves ne me semblent pas tout à fait en adéquation avec leur âge au moment des faits.
Une note d’espoir rejaillit en dépit de la troisième partie plus sombre, les confidences semblent avoir aidé les filles perdues à se retrouver et à pouvoir envisager leur avenir sous un jour nouveau. La parole est purificatrice. (Nous ne sommes pas loin de Vienne patrie de Freud).
Ce recueil, je l’ai aimé dans sa globalité par la magnificence de ses illustrations, par les nombreuses références artistiques, par l’érotisme des situations. J’ai cependant trouvé parfois les dialogues très simplistes, la référence à la psychanalyse très triviale et l’évocation de certains tabous un peu trop complaisante. Mais il y a des signes qui ne trompent pas. Cet ouvrage n’a pas souffert d’une relecture à quelques mois de la première….
Les Filles Perdues (Lost Girls)
Dessinateur : Melinda Gebbie
Scénariste : Alan Moore
Editeur : Delcourt
Je ne suis pas la 4è fille perdue, non, non. Je suis arrivée chez vous pour vous lire, pour visiter votre lubriothèque, Alias et Marie, sur les conseils ce Chocolat Cannelle.
Je souhaite beaucoup de succès à ce nouveau blog.
Emmanuelle.
Merci de ton gentil message. J’espère que ta visite t’aura donné envie de revenir. :-)
ça a l’air super cette petite BD !
Irrégulière, cette BD l’est malgré ses défauts ! Je l’ai vraiment appréciée à plusieurs points de vue et elle m’a donnée envie de me plonger dans l’univers de BD érotique.